Accompagné à la batterie et à la contrebasse, dans la salle d’étude de la Bill Evans Academy à Paris, les notes de « Stolen Moments » d’Oliver Nelson résonnaient sous mes doigts. C’était un standard que j’avais pris plaisir à apprendre, une mélodie mélancolique qui semblait capturer la complexité émotionnelle et la sophistication harmonique qui caractérisent le jazz à son meilleur.
J’aime jouer ce standard d’Oliver Nelson parce qu’il évoque immédiatement un beau souvenir aussi par une adaptation particulière qui avait capturé mon imagination : celle de Nicola Conte. Conte, avec son approche distinctive qui mêle jazz, bossa nova, et une esthétique raffinée, avait donné à « Stolen Moments » une nouvelle vie, une nouvelle couleur, qui m’avait profondément touché lors d’un voyage en Italie.
Ce voyage avait été un moment de révélation pour moi. En parcourant la campagne toscane au volant, la version de Conte de « Stolen Moments » était devenue la bande-son de mon aventure. Chaque note semblait capturer l’essence du paysage de collines douces et verdoyantes de la Toscane, où la terre exhale des parfums de citron et de romarin après l’orage.
Un soir, alors que le soleil se couchait sur les vignobles toscans, nous avions trouvé avec Catherine un petit hôtel restaurant simple et accueillant. La brise était douce, et l’air était chargé de l’odeur de la terre.
Et puis, comme si le destin avait orchestré ce moment, « Stolen Moments » surgissait d’une playlist…
Ce moment avait été gravé dans ma mémoire, un rappel puissant de la façon dont la musique peut transcender les frontières et les cultures, devenant un langage universel de connexion et d’émotion.
Musicien, producteur, DJ et chef d’orchestre italien, Conte est une figure emblématique de la scène jazz contemporaine. Sa musique, un mélange raffiné de bossa nova, d’acid jazz, de jazz fusion, de latin jazz et de world music, est le reflet d’une esthétique particulièrement soignée. Nicola Conte cisèle ses productions musicales comme un tailleur italien. Chaque note semble avoir été soigneusement pesée et choisie, créant des atmosphères enveloppantes et immersives qui invitent à la détente et à la réflexion. Plus tard, j’ai remarqué que les musiciens italiens avait un sens aigu de l’esthétique, j’ai eu grand plaisir à confier mes compositions à Manuel Trabucco, Nicola D’Amico et Roberto Pace pour le saxo, la batterie et la basse aux arrangements. Et ne l’ai pas regretté… comme ces moments volés en Toscane…
Si les noirs américains ont inventé le blues, et le jazz., les italiens le subliment avec leur raffinement et leur éclectisme latin, inspiré par les rythmes sud-américains.